Au Mans, à la présentation, Greg Beugnot est toujours applaudi un peu plus que la moyenne des coaches. Probablement parce qu’il fut le meneur du SC Moderne à la fin de l’âge d’or et aussi parce que son palmarès d’entraîneur est en France l’un des plus prestigieux. A bientôt soixante-ans, l’Ardennais est chargé de mission. Après avoir tenté –en vain- de faire monter Bourg, on lui a confié les clés du SLUC Nancy pour le sauver de la noyade.
Club le plus constant des années 2000, le SLUC est un chef d’œuvre en péril. Son équipe est depuis sa constitution mal fagotée, elle a été ensuite rapiécée et avec les départs de Florent Piétrus et Randal Falker, elle n’a plus d’identité. Ses sept meilleurs marqueurs –en incluant Gregory Vargas qui depuis s’en est allé- ne sont pas Français. Quelque chose comme une équipe de D-League, en beaucoup moins talentueuse.
Comme si la misère ne suffisait pas, le SLUC est touché par la poisse. Son ailier américain Ebire Ere (mollet) n’avait pas fait le déplacement tout comme les jeunes Lenny Charles-Catherine (genou) et Melvyn Govindy (cheville), de toutes façons très peu sollicités. Le controversé Dominique Sutton (cuisse), un nouvel arrivant, revient lui de l’infirmerie. On l’annonce sur le départ. L’individualisme (14 points mais 6/16 aux shoots) dont il a fait preuve à Antarès n’a probablement pas arrangé son cas. Seulement le SLUC, à la masse salariale encadrée, n’a pas beaucoup de marge de manœuvre. Au moins la cheville du néo-All-Star Dario Hunt (13 rebonds) va mieux.
« Ça dure cinq, dix minutes, ça repart dans les travers très négatifs où il n’y a plus de contenu, plus rien, plus de lucidité, de cohésion »
L’effet boule de neige
Affronter le MSB à Antarès où il n’a concédé qu’une courte défaite (-2) face à Monaco en huit matches, Basketball Champions League incluse, c’est un peu comme de s’attaquer à l’Everest pieds nus et avec une corde à linge. Seule chance du SLUC, que les Manceaux entre deux batailles européennes soient victimes d’endormissement. Ça n’a pas été le cas. Ultime preuve de la disparité de moyens entre les deux clubs qui, il y a dix ans, s’étaient retrouvés en finale de la Pro A à Bercy, Will Yeguete, joueur du mois de novembre, n’est entré sur le parquet qu’à la dernière minute du premier quart. Il a réalisé au final un splendide double double (13 points et 13 rebonds) en 19 minutes !
Le SLUC a fait illusion quelques minutes mais Le Mans a mis un coup d’accélérateur à la fin du premier quart juste pour montrer à tous qui était le patron du bouclard. Symptomatique, le dernier panier est venu sur un trois-points de Yeguete au buzzer (23-14) ! Benjamin Sene ne pouvait que constater les dégâts :
« On savait à quoi s’attendre. Au début du premier quart-temps, on a respecté ce qui était demandé, on était dans le match. On a eu un trou beaucoup trop tôt, on ne défendait plus, ils ont marqué des paniers faciles, c’est comme ça qu’ils ont pris confiance. C’était compliqué de revenir dans ce match…. Il y en a un qui ne fait plus l’effort alors l’autre se dit peut-être je ne vais plus le faire non plus. C’est un effet boule de neige… »
En fait, le SLUC s’est étouffé dès que le MSB a mis toute la puissance. Le SLUC manque par trop de –bonnes- rotations. Alors quand les consignes collectives se brisent sur les pulsions individuelles, c’est ter-mi-né. La suite du match ressembla à un long, long, garbage time. La punition fut juste un peu adoucie dans les trois dernières minutes avec les rentrées conjuguées de Gregory Bengaber et Jonathan Jeanne (85-70). Greg Beugnot fait le même constat qu’Alain Weisz :
« C’est un peu agaçant ! Une victoire au Mans ça serait un bonus, on n’est pas dans la même catégorie aujourd’hui. Mais on doit se rassurer, mettre en application ce que l’on essaye de travailler pour que les joueurs puissent évoluer comme des poissons dans l’eau. Je ne sais pas pourquoi… Ca dure cinq, dix minutes, ça repart dans les travers très négatifs où il n’y a plus de contenu, plus rien, plus de lucidité, de cohésion. Il n’y a pas de constance sur quarante minutes, d’identité de jeu. »
« Je leur ai dit, « messieurs, vous êtes ridicules sur un terrain ! »
Qui a une tête de condamné à mort ?
La soirée a été encore une fois porteuse de mauvaises nouvelles pour les Lorrains puisqu’en s’imposant à Limoges, Le Portel s’est sinon mis à l’abri, du moins a engrangé points et confiance supplémentaires. En fait la question est la suivante : qui a dans le lot des équipes qui possèdent au minimum deux victoires d’avance sur le SLUC, a une tête de condamné à mort ? Il n’y a pas Le Havre ni Rouen en Pro A cette saison. Greg Beugnot est obligé de révolutionner en quelques jours les états d’esprit pour que son équipe ne soit pas en état d’abdication dès la fin de l’année.
« Cette équipe, on ne peut pas la changer », rappelait-il. « Avec la blessure d’Ere, c’est évident que dans le secteur intérieur c’est très difficile pour nous. On est obligé d’amener un style de jeu pour compenser ces faiblesses là et que l’équipe puisse jouer au moins avec ses forces. On a l’impression que ce n’est pas compris. Et moi je voulais utiliser ce match là pour travailler, qu’ils aient conscience qu’en jouant d’une certaine manière, on puisse espérer. Mais en faisant du grand n’importe quoi, en réinterprétant ce qu’on leur demande, on est ridicule. Je leur ai dit, « messieurs, vous êtes ridicules sur un terrain ! » Ils sont capables de remettre la main vingt-cinq fois sur la plaque brûlante et se rebrûler. C’est illogique. On ne peut pas gagner un match en jouant comme ça. Ce n’est pas en jouant comme on a fait pendant vingt minutes qu’on va se maintenir en Pro A. »
« C’est un beau challenge pour Jonathan mais ce n’est pas sur lui que va se jouer le maintien ! »
Six courtes apparitions en Pro A
La surprise du chef fut l’annonce du prêt de Jonathan Jeanne (voir interview de Christophe Le Bouille). De part ses mensurations (2,18m et de longs bras) et son agilité, le Guadeloupéen est programmé pour être un futur premier tour de draft. Seulement, il n’est absolument pas un produit fini. Il manque de muscle, d’expérience aussi. Il n’a fait que six apparitions en Pro A depuis septembre 2015. Il va subitement passer d’un statut d’apprenti dans une équipe de BCL à celui d’intérieur à qui on va confier des responsabilités dans une autre qui cherche à sauver sa peau.
« Je veux vraiment remercier Le Mans vis à vis du geste qu’ils viennent de faire », a insisté Greg Beugnot. « Je sais que les sceptiques vont dire que c’est un gamin de dix-neuf ans qui vient dans une équipe pour jouer le maintien. Vous avez constaté que notre secteur intérieur est très limité. Aujourd’hui, on a un encadrement de la masse salariale et il faut trouver des Français. En ayant une formule de prêt avec Le Mans, ça nous aide énormément. Vous connaissez Jonathan, il a un potentiel. Aujourd’hui il va falloir travailler avec lui mais au moins j’aurais un complément qui va être différent des autres… Si déjà il peut nous aider aux rebonds, sur de la dissuasion dans la raquette, comme il a de bonnes mains il pourra éventuellement mettre des tirs extérieurs. Il est dominateur par la taille sur un petit mouvement en poste bas. C’est un beau challenge pour Jonathan mais ce n’est pas sur lui que va se jouer le maintien ! »
« Connaissant Monsieur Beugnot il ne va pas lâcher l’affaire »
Nancy-Orléans : le match à la vie, à la mort
Il y en a un qui maintien toute sa confiance au coach lorrain, c’est Mickaël Gelabale, qui résume la pensée générale :
« Nancy c’est une bonne équipe que l’on connaît depuis pas mal d’années. Les voir comme ça c’est un peu décevant. J’espère qu’ils vont relever la tête. Ils ont un nouveau coach. Connaissant Monsieur Beugnot il ne va pas lâcher l’affaire. Monsieur car ça été un grand joueur, c’est un grand coach. Respect. »
Pour se sortir du bourbier, le SLUC va devoir sortir la baïonnette. Après avoir fait un déplacement à Hyères-Toulon, il recevra Orléans juste avant Noël. Autant dire que ce sera déjà un quitte ou double.