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Jo Passave-Ducteil, l’ex-totem de Nanterre

Il y a quatre ans, Johan Passave-Ducteil (2,00m, 31 ans) était juste un soldat du basket professionnel français. Il a connu la gloire aussi inattendue que soudaine avec la JSF Nanterre. Une blessure l’a replacé dans l’ombre avant qu’il rebondisse cette saison à la JDA Dijon.

Il y a quatre ans, Johan Passave-Ducteil (2,00m, 31 ans) était juste un soldat du basket professionnel français. Il a connu la gloire aussi inattendue que soudaine avec la JSF Nanterre. Une blessure l’a replacé dans l’ombre avant qu’il rebondisse cette saison à la JDA Dijon.

C’était courant décembre 2015 dans les locaux d’Altice Media Group. Johan Passave-Ducteil était en temps que président le représentant du Syndicat des Joueurs au sein du jury chargé de désigner les acteurs pour le LNB All-Star Game. Et croyez bien que Jo a défendu bec et ongles ses convictions avec quelques clins d’œil humoristiques. « Franchement, j’ai pris du plaisir ce matin », nous commentait-il dans la foulée. « On avait tous nos arguments et c’était intéressant. On dit que souvent ce sont des personnes qui ne sont pas issus des rangs des sportifs qui décident dans le sport. Là, tout en respectant les personnes, j’essaye d’apporter mon point de vue de joueur. Ça me permet aussi d’apprendre plein de choses, la vraie vie. Au comité directeur (du Syndicat National des Joueurs), parfois, ça chauffe. » Jo aura pu constater que les discussions lors des réunions du jury du All-Star Game se font entre gentlemen !

C’est donc sa fonction de président du SNB qui a permis à Johan de participer à ce jury ; il a succédé à Aymeric Jeanneau en février 2014 lorsque celui-ci a pris sa retraite sportive et est entré dans le staff strasbourgeois. Sans être international, Jo venait d’être mis en lumière par les performances de la JSF Nanterre et son sens de la répartie avait été apprécié des médias. « J’ai appris la politique ! Avant j’étais sensible à ce qui se passe dans mon club alors que là, il faut que je suive beaucoup plus ce qui se passe ailleurs », expliquait-il ajoutant qu’il écoute beaucoup les conseils de son prédécesseur et aussi du directeur du SNB, Jean-François Reymond. Mais si Jo avait pu faire partie de ce jury, c’est aussi parce qu’il était blessé depuis la fin de saison dernière et n’était donc pas éligible, lui qui a été partie prenante des éditions 2013 et 2014 de ce All-Star Game.

« Quand je ferme les yeux et que je pense à ma carrière, je me dis que si j’avais écouté tout le monde, je ne serais pas devant toi aujourd’hui. »

Sa femme, son équipière

Pour mieux replacer dans le contexte la montée en puissance de ce pivot de juste deux mètres né à Noisy-le-Grand, il faut se rappeler que Jo a joué au Centre de formation de football de Paris, à côté d’Orly, des poussins jusqu’en U15. Il disposait dit-il d’une bonne frappe de balle et d’un bon jeu de tête. Jo a ensuite transité par le handball avant de se lancer dans le basket par le biais des playgrounds du 13e arrondissement parisien, y compris du côté du stade Carpentier qu’il retrouva bien plus tard avec l’habit de lumière de la JSF Nanterre. A une époque où il est de bon ton de dribbler de la main gauche tout en tenant son biberon de la droite, Johan Passave-Ducteil a fait ses débuts dans l’univers du basket à seulement dix-sept ans. « Je n’ai jamais eu de sélection en équipe de France, je n’ai pas fait de centre de formation. J’ai eu la chance d’intégrer St Etienne qui m’a permis de jouer et en espoir et en pro. L’année d’après ils supprimaient les espoirs ils m’ont signé en pro. J’ai toujours joué contre des mecs plus forts que moi. C’est ça qui m’a permis de combler le fait que j’ai commencé à dix-sept ans. J’ai toujours été convaincu de mes forces et pour moi la taille n’est pas un critère. »

Dans un sport où tout se mesure avec une toise et un mètre à ruban, Johan est de fait –presque- considéré comme un handicapé pour un pivot. « Depuis que j’ai commencé le basket, on m’a toujours dit ça, t’es trop petit, etc. Et moi je suis un peu têtu, je n’aime pas que l’on me fixe des limites, c’est moi qui me les fixe. Je le dis comme je pense, même si ça peut paraître bête : « c’est moi le meilleur ! » C’est américain, c’est vrai, mais c’est ça qui me fait avancer. C’est la volonté qui fait la différence. Quand je ferme les yeux et que je pense à ma carrière, je me dis que si j’avais écouté tout le monde, je ne serais pas devant toi aujourd’hui. »

De fait, Jo a d’autres arguments. C’est une masse musculaire de 118 à 120 kg quand il est en forme, il est tonique, vaillant. Il sait d’où il vient. Sept ans de Pro B, à Saint-Etienne, Limoges et Nanterre. « Avec Saint-Etienne, j’avais déjà vécu cette « injustice », ces playoffs contre Besançon où l’on me sort au bout de cinq minutes alors que je fais un match tonitruant. J’étais persuadé que l’on serait champion de France. J’en ai beaucoup souffert mais derrière, j’ai joué deux ans au CSP Limoges et j’ai appris ce qu’est la pression, le grand club, la gagne. Ça a nourrit encore plus mon ambition. Après ces deux finales perdues, ma frustration était encore au maximum. »

Et puis tout d’un coup, c’est la success story complètement inattendue avec la JSF de Pascal Donnadieu qui se qualifie à l’arrachée pour les playoffs de 2013 et ravage tout ensuite sur son passage. Au centre, un pivot d’origine antillaise, inconnu du grand public, devient son totem, Johan Passave Ducteil. Nanterre est atomisé lors de la première manche de la finale au Rhénus de Strasbourg, 89-55.

« Ce qui m’a mis en lumière, c’est mon duel avec Alexis Ajinça. Les journalistes avaient prévu qu’Alexis survole la finale et que ça soit une boucherie. C’était le joueur dominant, il était assez frustré de ne pas avoir eu ce titre de MVP. J’avais une chance à saisir et je l’ai saisi. Je me suis dépassé, j’ai montré aux yeux de tout le monde que je suis un peu un hybride à mon poste, je ne suis pas le plus grand mais j’ai mes armes. » En bleu de chauffe, Jo domine Alexis lors des épisodes 2 et 3 (17-12 et 11-9 à l’évaluation) avant que ce soit David Lighty et Jérémy Nzeulie qui mettent la Sig à terre lors de l’ultime bataille.

A partir de là, tout va aller en accéléré pour Johan. Lui qui n’a jamais été capé en équipe nationale de jeune rêve du maillot bleu, mais il lui faudra attendre une saison en Euroleague et Eurocup pour que le pivot, comme son club, obtienne une vraie légitimité, et fasse taire ceux qui pensaient que le titre de champion 2013 n’était qu’un flash lumineux. Jo découvre que l’Américain du CSKA Moscou Kyle Hines (1,98m) est plus petit que lui et tient le choc. Il est fier que Vincent Collet l’ait placé ensuite dans la « liste des 24 ». Lors de la saison 2014-15, il cède la place de pivot titulaire à Mam Jaiteh, ce qui évidemment le frustre, mais l’épopée victorieuse en EuroChallenge clôture un parcours nanterrien d’Anthologie. Il rêve d’aller à étranger, même si comme père de famille, il ne veut pas prendre le risque de ne pas être payé de la totalité de ses contrats dans des clubs qui font les beaux par devant mais qui sont en fait criblés de dettes.

Sa femme, Sophie, a joué un rôle majeur dans sa médiatisation. Cet ancien mannequin, qui a été première dauphine de Miss Rhône-Alpes 2005, avait appris par une amie que NRJ 12 recherchait de jeunes couples qui acceptent que leur union soit filmée dans le cadre de « Mariage, le plus beau jour de ma vie ». D’abord réticent, Jo a accepté afin que leur mariage médiatisé serve de clé à Sophie pour entrer dans le milieu de la télé. « Elle a d’ailleurs réussi puisqu’elle a été chroniqueuse beauté et bien être sur BDM TV et là, elle est animatrice sur Tonic Radio à Lyon. Au delà de ma femme, c’est mon équipière. C’est elle qui a géré ma communication, le fait de faire mes interviews correctement, de bien exprimer. Elle m’a clairement coaché. » Autre épisode : Sophie a produit un documentaire sur son mari, « Sportivement », qui est toujours en attente d’un diffuseur et qui devra être actualisé puisque depuis Jo a gagné l’EuroChallenge. A cette époque, Jo Passave a bénéficié de ses performances sportives, de l’entregent de sa femme, de son bagou sympathique, et aussi de sa situation géographique puisque, comme il le dit lui-même, il est plus facile d’aller sur un plateau TV quand on habite Nanterre ou Paris que Limoges ou Boulazac.

« Dans ces moments-là, tu es un peu anxieux avec ta femme. Tu as les enfants. Tu ne sais pas comment gérer. »

Titulaire à Dijon

C’est le 16 mai dernier, lors d’un match face à la JDA Dijon, qu’une tuile lui est tombée sur la tête. Il s’est fait les croisés comme on dit dans le milieu du sport. Une saloperie qui touche de plus en plus d’athlètes. Il venait d’annoncer son départ de la JSF et son agent était en contact avec le Paris-Levallois et Villeurbanne. Rien n’a été conclu, évidemment. « Dans ces moments-là, tu es un peu anxieux avec ta femme. Tu as les enfants. Tu ne sais pas comment gérer. Après quelques moments de tension et de réflexion, on a décidé de s’installer à Lyon, mes beaux parents ont accepté de nous voir débarquer. C’est notre QG le temps de savoir ce que je ferai. »

Après l’opération à son genou, comme des centaines d’autres sportifs, Jo s’est lancé dans de longues séances de rééducation, entre Lyon et Paris, prenant deux fois le chemin de Cap-Breton et de son centre spécialisé. « Ce qui est beau là-bas, c’est que l’on peut discuter avec des sportifs d’autres disciplines. J’ai sympathisé avec un joueur de hockey sur gazon, des gens qui font du kitesurf, des filles du hand, du volley, du basket, de tous les sports. Notre point commun, c’était soit les croisés soit l’épaule. J’ai vu aussi deux grands noms du basket français, Ferdinand Prénom et Abdou Mbaye qui étaient là au mois d’aout et qui étaient sur la fin de leur période de rééducation. Ils m’ont rassuré, ‘Jo ne t’inquiète pas, tu vas revenir’. Et quand je vois les stats de Ferdinand et comment Abdou revient, ça fait plaisir… »

Coup de pouce du destin aussi, Jo a été sollicité par Ma Chaîne Sport pour faire partie de son équipe de consultants. Ce n’est pas fréquent qu’une chaîne puisse s’offrir l’expertise d’un joueur toujours en activité. Jo est alors en première ligne avec le journaliste David Vengerder. « J’ai besoin de bouger et c’est vrai qu’au début t’es assez déprimé. Ça m’a permis de rester dans le basket. Et c’est toujours mieux quand on te voit plutôt que quand on ne te voit pas. Ça m’a permis surtout d’avoir une autre approche du basket. Quand tu regardes tranquillement les matches chez toi devant ta télé, ce n’est pas la même chose que lorsque tu les commentes. Je suis avec une super équipe qui m’a tout de suite mis à l’aise. Et ça me permet peut-être de préparer l’après-carrière car mine de rien je viens d’avoir trente ans. »

C’est en Pro B, à Bourg-en-Bresse, que Jo a rebondi après sa blessure et cette saison il est revenu parmi l’élite sous le maillot de la JDA Dijon. Ses productions sont un tantinet moins bonnes qu’à Nanterre (8,2 pts, 54,7% aux shoots, 2,4 rbds) mais il est une pièce essentielle du dispositif de Laurent Legname (18 minutes de temps de jeu), et le seul Français dans le cinq de départ même si au final Jacques Alingue passe davantage de temps que lui sur le parquet.

Alors qu’il était encore sur le flanc, Jo nous avait lâché cette confidence :

« J’ai trente ans, je sais que ça sera dur, mais je ne lâche pas le maillot bleu. C’est mon moteur principal. Que ce soit en 5×5 ou en 3×3, je veux porter le maillot de l’équipe de France. »

Paru dans Basket Hebdo en 2015. Modifié pour Basket Europe.

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