C’était en juin 1960. Wilt Chamberlain, le joueur le plus dominant de son temps, venait d’être élu MVP de la NBA. Il se retrouva sous le maillot des Harlem Globe Trotters à jouer à Paris, mais aussi anonymement dans la France profonde. Voici en quatre volets cette incroyable histoire.
Découverte par Daniel Champsaur, responsable du patrimoine à la fédération française, cette photo en noir et blanc de Wilt Chamberlain, sortie de nulle part, fait écarquiller les yeux. L’échassier, comme on le surnommait, dunke en costard et chaussures de ville devant une ribambelle de marmots avec en toile de fond la Tour Eiffel.
On a appris que ce cliché date de juin 1960 et qu’il est paru dans le mensuel « Sport et Vie » du mois suivant. Nous avons cherché à percer ses mystères. Comment le plus fantastique rapace de l’histoire du basket, qui sortait d’une saison rookie éblouissante en NBA (37,5 pts et 26,9 rbds), a pu se retrouver au cœur de cette mise en scène parisienne commandée par les Harlem Globe Trotters ?
Trotters vs. Lakers
La troupe des Harlem Globe Trotters a été montée en 1927 par un ingénieux promoteur juif de Chicago, Abe Saperstein. Elle était exclusivement composée de joueurs noirs interdit de ligues majeures à cause de la ségrégation raciale. La recette des Globies -le diminutif donné aux Etats-Unis auquel les Français préférèrent celui de « Harlem »- était magique : être dominant sur le terrain, tout en faisant des gags afin de séduire un public le plus large possible. Saperstein leur fit sillonner les Etats-Unis et surtout le monde entier. Avec le Coca-Cola, les stars d’Hollywood, le jazz et le rock and roll, les Globies devinrent le meilleur produit d’exportation des Etats-Unis. Ils jouèrent le plus souvent à ciel ouvert et rameutèrent les foules dans des proportions incroyables, jusqu’à 50 000 personnes à l’Estadio Municipal de Rio de Janeiro et 75 000 au stade olympique de Berlin, ce qui resta longtemps un record mondial pour du basket. Leurs maillots lumineux bleus avec l’inscription « Harlem » en grand, leurs shoots rayés blanc et rouge, leurs chaussettes, leurs Converse, contrastaient avec les tenues ringardes portées alors par les européens. Les Globies ne participaient pas seulement à des matches, ils donnaient des shows de music-hall. Saperstein, qui les suivait partout, veillait à tous les détails.
Les équipes adverses, dont la version la plus célèbre fut les Washington Generals, tout comme les arbitres, étaient complaisants et laissaient les Harlem Globe Trotters faire leurs pitreries sans se soucier du respect des règles du jeu.