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Rétro Coupe du monde – 2014 : du bronze qui vaut de l’or

La France a décroché à Madrid sa troisième médaille en quatre ans, avec cette première breloque de son histoire à la Coupe du Monde. Nul ne l’attendait à ce niveau cet été-là. Les Bleus ont enchaîné exploit et désillusion, ils ont su finir forts, et fiers. Héroïques.

La France a décroché à Madrid sa troisième médaille en quatre ans, avec cette première breloque de son histoire à la Coupe du Monde. Nul ne l’attendait à ce niveau cet été-là. Les Bleus ont enchaîné exploit et désillusion, ils ont su finir forts, et fiers. Héroïques.

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Les Bleus ont terminé tout bronzés, ils auraient pu aussi finir tout nus, et rendre hommage à Carlos. Ces Bleus-là, de toute façon, ils étaient capables de tout, et donc aussi de rien. À la dernière journée du premier tour, après un quart- temps, menée de dix points contre l’Iran, ils étaient éliminés. Après dix minutes face à la Croatie, en huitième, ils semblaient ne pas être en mesure d’enchaîner deux tirs réussis. Au moment où ils arrivaient à une impasse, l’Espagne, ils ont cassé les murs pour passer. Quand le chemin en direction de la finale s’ouvrait, ils ont pris la route trop tard. C’est alors qu’ils n’avaient plus de forces physiques qu’ils ont puisé dans leurs réserves mentales face à la Lituanie, pour passer des regrets à l’héroïsme. Il y avait dans ce groupe un véritable art du contre-pied, un côté romantique pour une épopée romanesque. Cardiaques, s’abstenir ! Cet été, avec les Bleus, il fallait embarquer pour le grand huit ou les montagnes russes, selon vos préférences. « Tu es aux anges après l’Espagne, tu es au fond du trou après la Serbie, et derrière tu te reprends et tu gagnes une médaille. Cet été, c’était des hauts et des bas », sourit Joffrey Lauvergne. « Mais on n’a jamais lâché. » Boris Diaw a souvent rappelé que le basket, c’est un peu comme la vie : rien n’est jamais vraiment tout blanc, ou tout noir. Au côté pile succède toujours par séquences le côté face. « La victoire contre l’Espagne a montré qu’on avait du talent. La défaite contre la Serbie a montré qu’on manquait aussi de maturité », résume le capitaine.

Photo: Nicolas Batum, Florent Pietrus et Boris Diaw (FIBA)

Jour 1 : le plan est fichu

Puisque l’instabilité avait été l’une de ses caractéristiques en préparation, cette équipe a vu son plan tomber à l’eau dès le premier jour de la compétition. « Le but était de terminer deuxième de notre groupe (derrière l’Espagne). Mais quand on a perdu contre le Brésil, c’est devenu bien
plus difficile », se rappelle Vincent Collet. Un jour seulement, et déjà l’ombre d’un croisement avec l’Espagne dès le quart de finale venait planer
sur Grenade. La France aurait pu décider de perdre sciemment contre la Serbie, pour éviter ce scénario, ou encore de lâcher la rencontre
de poule face à la Roja pour ne pas dévoiler sa stratégie. Elle peut s’enorgueillir au contraire de sa ténacité et de son respect de la compétition : elle a joué, pas calculé. « Cette équipe a besoin de se construire », répétait le coach. D’engranger de la confiance, de gagner. S’il leur fallait croiser avec l’Espagne, alors ils s’en iraient au combat – et la suite allait leur donner raison. Les Bleus ont su se concentrer sur le principal : eux-mêmes. Le staff connaissait bien les limites de son groupe en attaque (point de Tony Parker, le magicien, et un déséquilibre extérieur-intérieur, avec Boris Diaw comme seul point de fixation), aussi savait-il que les joueurs devraient être appliqués, ne pas gâcher, et défendre (72,9 points encaissés, sixième défense du tournoi). Il a travaillé pour une montée en puissance, qui s’est vérifiée, matéralisée notamment par différents jokers venus du banc.

« Juste avant d’arriver à Grenade, on se disait avec Ruddy Nelhomme qu’il faudrait systématiquement qu’on trouve, entre Evan Fournier et Edwin Jackson, un des deux pour nous avancer dans les matches difficiles. Pareil entre Thomas Heurtel et Antoine Diot, en trouver un qui fasse fonctionner l’équipe », raconte Vincent Collet. Tour à tour, Edwin Jackson (12 points en 17 minutes en poule contre la Serbie), Evan Fournier (13 unités contre la Croatie), Rudy Gobert (13 rebonds en 23 minutes face aux frères Gasol en quart) ont apporté un supplément d’énergie, et de talent. Dans le même temps, Thomas Heurtel (9,7 points et 4 passes) et Joffrey Lauvergne (9,2 points et 5,3 rebonds) ont réussi la transition de joueurs du bout du banc en 2013 à titulaires l’année d’après. « On ne peut pas attendre des jeunes qu’ils soient bons tous les jours, il faut l’accepter, mais ils ont grandi », félicite Collet.

La maison France, une institution

Cet « état d’esprit entre les leaders les jeunes », cet « équilibre », le coach et son staff ont su les « construire ». Ça a pris du temps, des soufflantes, des coups de gueule. « Nous avons créé une alchimie, et les gens ne le savent pas mais c’était difficile cette année. Pour les jeunes, ça n’était pas quelque chose d’évident, nous avons dû les convaincre. » Collet a « très souvent » pris le temps de parler avec eux. « Ils voulaient simplement bien jouer, mais ce n’est pas ce que nous voulons : nous voulons que l’équipe joue bien. Les inscrire dans ce processus ne s’est pas fait en un jour. On a eu des frayeurs, des craintes. Il a fallu parfois les convaincre de se discipliner, se mettre dans le rang. Ils ont fait des efforts. » Le coach donne l’exemple d’Evan Fournier, « parfois à côté de la plaque au premier tour », qui a « compris des choses » par la suite, au point de devenir indispensable : cinquième scoreur avec le neuvième temps de jeu.

Durant la saison, présidents et coaches aiment à répéter que le club est au-dessus des joueurs. C’est encore plus vrai en sélection. « C’est la maison équipe de France, elle joue d’une certaine façon. Il faut faire comprendre aux nouveaux qu’on ne met pas les pieds partout », acquiesce Collet. Depuis son arrivée sur le banc en 2009, une identité tricolore a été créée. « Cette équipe a de très bonnes bases. Depuis pas mal d’années, on a instauré des règles de vie. Les joueurs qui arrivent respectent tout ça », enchaîne Florent Piétrus, l’un des garants de l’institution, au même titre que le capitaine Boris Diaw. « Pour nous les jeunes, ils sont des exemples d’abnégation, on respecte beaucoup ça », confirme Edwin Jackson. Fournier se souvient lui des multiples discours des cadres, « les mots de Boris et Flo, les belles paroles, sur l’intensité ».

Pas descendus de leur nuage en demi

Cette équipe de France 2014 a grandi, pourtant a connu une « rechute », dixit Collet. Quarante- huit heures après avoir éliminé l’Espagne (voir
par ailleurs), elle a débuté sa demi-finale face à la Serbie à l’envers. Le retour dans le dernier quart- temps (39-29, avec un fabuleux 9/13 à trois-points) serait magnifique, mais trop tardif. « On n’avait pas de rythme, on dribblait sur place, la balle ne tournait pas », listait Gelabale, abattu. « Manque de concentration, pas assez agressifs, pas rentrés dans le match avec la bonne mentalité », ajoutait Diaw. Pourtant, après l’exploit contre la Roja, Collet avait prévenu – « on a été capables de le faire une fois, ne croyez pas que ça soit notre niveau. Pour ça, il faut le refaire. L’euphorie est forcément là, de façon inconsciente. » –, et Diaw aussi : « c’est dans la nature humaine, on est forcément content d’avoir gagné ce quart, il ne faut pas faire l’erreur de se relâcher. » En vain. « Peut-être qu’on se disait que ça serait facile, je ne sais pas… », soufflait Batum, les yeux au loin. Les rappels n’ont pas atteint suffisamment les joueurs, qui pour certains rêvaient déjà de la finale face
aux États-Unis, sur leur nuage, « nuage duquel on n’était pas complètement redescendus », convient Collet. « Certains ont pensé que ça allait continuer naturellement comme contre l’Espagne. Mais le sport à ce niveau, ça n’est pas ça. Certains de nos jeunes vont apprendre de cette expérience. »
Ce soir-là, face à la Serbie, le vendredi était devenu samedi et dix-huit heures après la désillusion, les Bleus avaient rendez-vous pour le bronze avec la Lituanie, qui avait elle bénéficié d’un jour de repos. Un format absurde, aux yeux de tous, sauf peut- être de ceux qui organisent le calendrier. « Je ne crois pas que ça soit irrespectueux. Ces équipes sont habituées à ce rythme, et la compétition a déjà été assez longue », a répondu Patrick Baumann, le secrétaire général de la FIBA. « Si nous avons une forte réaction, nous serons enclins à revoir la formule, mais on pense que c’est un bon système et jusqu’à présent, on n’a pas reçu de complainte. »

Photo: Michael Gelabale (FIBA)

Dans le vestiaire, le souvenir de 2005

Dans le vestiaire, après la Serbie, il y avait « beaucoup de regrets » pour Collet, « beaucoup de frustration » pour Batum. Mais il a été question
de 2005, quand l’équipe, après le crève-cœur de la demi-finale perdue face à la Grèce, s’était reprise pour atomiser l’Espagne et décrocher le bronze.
« Nous, les anciens, on a pris la parole », raconte Piétrus. « Les cadres ont vraiment insisté sur le fait de ne pas se démobiliser », confirme Diot. « On ne s’est pas entraînés tout l’été pour rien », a dit Diaw. « On n’a pas entraînement demain, c’est le dernier match, on peut tout donner », a rappelé Batum. Et ils étaient là, sur le parquet, dix-huit heures plus tard, quasiment sans avoir dormi, la faute à la frustration, au stress.
Proches de craquer face à la Lituanie, à -7 à l’entame du dernier quart. Ils
manquaient de jus, mais pas de tripes, ni d’expérience. « On n’a peut-être pas toujours été à fond, on s’est aussi gérés. Les derniers moments, c’est ce qui comptait », explique Diaw. Collet avait répété qu’une grande équipe n’existait qu’avec de grands joueurs. La France a des joueurs d’exception. À moins de quatre minutes de la fin, quand Jonas Valanciunas venait d’enchaîner cinq points pour placer la Lituanie à +3, Collet a remis Piétrus sur le terrain. Il fut titanesque, avec « les claquettes, les rebonds qu’il arrache, au milieu des mecs qui font quinze centimètres de plus que lui », dixit son coach ; Boris Diaw a enchaîné deux paniers de classe mondiale ; Nicolas Batum, après avoir scoré 27 points, a capté des rebonds décisifs. Leaders ? Présents ! Héroïques, même. « L’équipe a montré du cœur, beaucoup de cœur », savourait Piétrus, très ému.

Photo: Rudy Gobert (FIBA)

Tout ça sans TP

L’objectif minimal était de rejoindre les quarts, mais les Bleus avaient un autre but : une médaille. « Avec les absences, les gens n’y croyaient pas trop. Quand on a annoncé qu’on voulait une médaille, ça rigolait un peu », sourit Batum. « Personne, personne », appuie Piétrus, « ne nous attendait à ce niveau. » Le doute s’expliquait en deux mots : Tony Parker. Comment évoluer sans son meilleur joueur ? Terminer sur un podium mondial sans TP est une nouvelle formidable et surtout un message : « tout le monde peut voir que sans Tony, il y a une équipe de France », déclare Collet. « On a montré qu’on peut exporter notre basket au-delà de Tony. Pour le basket français, c’est une grande victoire. » L’après-TP, tant redouté hier, fait moins peur pour demain. « Quand la génération de Tony va s’en aller, derrière, ça a quand même de la gueule », lance Lauvergne. Comme souvent, Diaw savait résumer la situation en une phrase : « on parle de l’équipe de France, on ne parle pas de noms. » Vice-championne d’Europe en 2011, championne d’Europe en 2013, médaillée cet été, la France a confirmé son statut. Rendez-vous dès l’année prochaine pour l’Euro à domicile. Les Bleus auront un titre à défendre, et la pression sur eux. Mais ils ont battu la grande Espagne chez elle, ont gagné une médaille, et bien des enseignements positifs avec. Ils ont connu le progrès, l’euphorie, la désillusion, la joie, tout ça en moins de cinq jours. Dimanche dernier, quelques heures après la fin de la compétition, l’un des joueurs rentrait à l’hôtel quand il croisa un groupe de journalistes. « J’ai la rage », dit-il. Il parlait de la finale qui fut pliée en un quart-temps, regrettait que les Serbes n’aient pas résisté aux Américains, aient lâché rapidement, comme déjà satisfaits. « Nous, on aurait fait mieux », ajouta-t-il. « On ne se serait pas laissés faire comme ça. » Il y avait de l’ambition dans ses mots : celle d’avoir de nouveau l’opportunité de jouer contre les Américains en finale, et, cette fois, de la saisir. Car la France a appris, et prouvé quelque chose : elle n’a plus de limite.

Photo: FIBA

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Les Bleus ont terminé tout bronzés, ils auraient pu aussi finir tout nus, et rendre hommage à Carlos. Ces Bleus-là, de toute façon, ils étaient capables de tout, et donc aussi de rien. À la dernière journée du premier tour, après un quart- temps, menée de dix points contre l’Iran, ils étaient éliminés. Après dix minutes face à la Croatie, en huitième, ils semblaient ne pas être en mesure d’enchaîner deux tirs réussis. Au moment où ils arrivaient à une impasse, l’Espagne, ils ont cassé les murs pour passer. Quand le chemin en direction de la finale s’ouvrait, ils ont pris la route trop tard. C’est alors qu’ils n’avaient plus de forces physiques qu’ils ont puisé dans leurs réserves mentales face à la Lituanie, pour passer des regrets à l’héroïsme. Il y avait dans ce groupe un véritable art du contre-pied, un côté romantique pour une épopée romanesque. Cardiaques, s’abstenir ! Cet été, avec les Bleus, il fallait embarquer pour le grand huit ou les montagnes russes, selon vos préférences. « Tu es aux anges après l’Espagne, tu es au fond du trou après la Serbie, et derrière tu te reprends et tu gagnes une médaille. Cet été, c’était des hauts et des bas », sourit Joffrey Lauvergne. « Mais on n’a jamais lâché. » Boris Diaw a souvent rappelé que le basket, c’est un peu comme la vie : rien n’est jamais vraiment tout blanc, ou tout noir. Au côté pile succède toujours par séquences le côté face. « La victoire contre l’Espagne a montré qu’on avait du talent. La défaite contre la Serbie a montré qu’on manquait aussi de maturité », résume le capitaine.

Photo: Nicolas Batum, Florent Pietrus et Boris Diaw (FIBA)

Jour 1 : le plan est fichu

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