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L’avis de George Eddy sur Victor Wembanyama : « C’est un phénomène unique que l’on ne verra qu’une fois dans notre vie »

En marge d’une interview long format que vous pourrez lire dans quelques jours, nous avons demandé à George Eddy son avis sur le phénomène Victor Wembayama qui secoue actuellement le basket mondial. Voici ses réponses sans concession.

En marge d’une interview long format que vous pourrez lire dans quelques jours, nous avons demandé à George Eddy son avis sur le phénomène Victor Wembayama qui secoue actuellement le basket mondial. Voici ses réponses sans concession.

Comment situer Victor Wembanyama vis-à-vis des plus grands jeunes joueurs de l’histoire du basket ?

Tout en haut ! Tout en haut quand on voit ce qu’il fait cette saison. J’ai joué avec son père dans le championnat des anciens. Je l’ai rencontré quand il avait 15 ans. On a fait un concours de shoots dans la salle du Vésinet. Il avait déjà un shoot parfait. Et depuis, tous les ans, il a progressé d’au moins 100%. Ça se voit par rapport à l’année dernière où il était blessé la moitié du temps à cause des voyages d’Euroleague. Il en faisait trop par rapport à son âge. Là, il a fait le bon choix en faisant un match par semaine et en se préparant sérieusement le reste de la semaine, en faisant des matches à 30 points et 15 rebonds, des highlights qui traversent le monde entier. Il est tout à fait semblable au phénomène LeBron James au lycée avec des matches qui passent sur ESPN avant d’arriver en NBA à 18 ans. Il est tout à fait du même niveau que Kareem Abdul-Jabbar à Power Memorial, son lycée à New-York avant d’aller gagner trois titres avec John Wooden à UCLA. Wembanyama, c’est de ce niveau-là. Il y a eu Wilt Chamberlain, Shaq. Ce qu’ils ont montré au lycée et à l’université, c’était du même niveau que ce que Victor montre cette saison contre des adultes, des joueurs chevronnés, au plus haut niveau du basket dans leur pays. Je suis sûr que s’il avait pu jouer en Euroleague cette saison, il n’aurait pas été loin de faire les mêmes perfs. Peut-être 20 points au lieu de 30 et 10 rebonds au lieu de 15, mais je pense qu’il aurait été un joueur dominateur. Mais il ne pouvait pas enchaîner les voyages en avion et les matches en championnat et d’Euroleague, c’était trop pour lui. C’est un phénomène unique que l’on ne verra qu’une fois dans notre vie. Il ne faut pas oublier que lorsque Tony Parker est parti en NBA, il n’y avait pas grand monde qui croyait qu’il allait réussir. Il a été drafté 28e et c’est grâce à sa force de caractère, à sa confiance en lui, qu’il est arrivé à faire une carrière incroyable. On sent que Victor à la même confiance en lui mais il fait 2,24 m. Il est doué au niveau de l’adresse et de la technique comme personne de cette taille dans l’histoire du basket mondial.

« On passe à côté d’une opportunité exceptionnelle et unique de faire rayonner le basket français à travers le monde »

Que pensez-vous du fait qu’il a fallu qu’il aille aux Etats-Unis pour que la France découvre véritablement qu’elle avait un phénomène, un prodige ? Par exemple, avant les deux matches à Las Vegas, ceux qu’il a joué en France n’étaient pas à guichets fermés ?

Malheureusement, une nouvelle fois le basket français va passer à côté d’une opportunité exceptionnelle. On pourrait comparer ça avec la médaille d’argent en 2000 obtenue contre toute attente. Le basket français en général n’a pas su la faire fructifier. Là, le club et la ligue ont été pris de court. Alain Weisz (NDLR : Le directeur des opérations sportives de Boulogne-Levallois) m’en a parlé -on est très amis depuis 40 ans- et il a avoué que Boulogne-Levallois n’a pas du tout venu venir le phénomène. Ils essaient maintenant de se rattraper, de programmer des matches à l’Arena de Nanterre, ce qui serait une très bonne idée. Et pourquoi pas à Bercy s’il y a des dates disponibles. La ligue a pris un peu d’argent mais certainement pas assez pour vendre les droits (NDLR : 137 000 dollars selon l’AFP) des matches de Victor à la NBA. Ils auraient peut-être dû inclure son agent Bouna Ndiaye dans les négociations car il connaît mieux le marché que la ligue. Il est convaincu qu’il aurait pu tirer dix fois plus d’argent de la NBA pour ces droits et la ligue aurait pu en profiter comme le club et le joueur. C’était grâce à Nancy que le dernier match de Victor était mieux filmé mais la ligue n’a pas mis en place ce qu’il faut pour que chacun de ses matches soit filmé avec des caméras supplémentaires comme Benoît Dujardin le propose depuis plusieurs semaines sur twitter. Des matches avec K-Motion qui passent sur l’application NBA à travers les Etats-Unis et le Canada -tout ce que fait Victor les intéresse au plus haut point-, ça donne une image d’amateurisme ridicule. De son côté, la NBA met juste un cadreur de plus qui filme avec une caméra isolée sur Victor. Ça donne de bien plus belles images que le système K-motion. Ils obligent les clubs à payer un abonnement annuel à K-Motion, et c’est bien de diffuser des matches sur LNTV, de les faire commenter, ça c’est une progression, mais on ne va jamais attirer les profanes devant l’écran avec des images K-Motion. Il faut un minimum de trois, quatre caméras. On sait que l’on peut faire ça pour pas très cher, alors qu’est-ce qu’on attend ? Je pense aussi que BeIN Sport est en retard car s’il passe un match par semaine le dimanche, ils auraient dû ajouter tous les matches de Victor à leur programmation. Et je ne dis pas ça pour critiquer BeIN car ils ont pris un match par semaine de la ligue, un peu pour les sauver, mais ça serait bon pour tout le monde, à commencer pour eux, de suivre le phénomène Wembanyama, semaine par semaine, avec une belle production télévisuelle. Ça ne coûte pas si cher que ça et ça serait un programme avec une grosse audience. Ça se fera peut-être un jour mais je trouve que ça prend du retard (NDLR : BeIN Sport a programmé trois matches de Victor Wembanyama en décembre). C’est vraiment dommage car encore une fois, on passe à côté d’une opportunité exceptionnelle et unique de faire rayonner le basket français à travers le monde.

Photos : Krishna Goma

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