L’extraordinaire parcours de Saint-Quentin en Pro B la saison passée a valu au club sa promotion en Betclic Élite. Toujours avec des moyens très limités, l'équipe de Julien Mahé va tenter de survivre avec ses jeunes talents tricolores Mathis Dossou-Yovo et Melvin Ajinca. Rien ne semble impossible pour le SQBB et son bouillant public.
31 ans après, Saint-Quentin va retrouver l'élite. Un aboutissement magnifique pour l'un des petits poucets financiers de la deuxième division. Petit budget de Pro B (entre 11e et 14e dans ce secteur sur les quatre dernières années), le club de l’Aisne a réussi l’exploit de finir les trois dernières saisons à la troisième place en 2020-21 et 2021-22 avant de carrément remporter le championnat l’année dernière !
Et il n’y a rien de « magique » à cela. Plutôt un immense talent. Celui de savoir recruter – en 2020-21, Hugo Besson a fini meilleur marqueur et meilleur jeune de Pro B, Parker Jackson-Cartwright MVP de la saison, Julien Mahé meilleur coach, une performance exceptionnelle réitérée la saison dernière avec Mathis Dossou-Yovo, Melvin Ajinca et, toujours, Julien Mahé – en premier lieu. Celui d’un coach, Julien Mahé donc, à savoir créer une osmose entre ses joueurs et à bâtir un collectif où ceux-ci donnent encore plus que le meilleur d’eux-mêmes. Et celui de s’appuyer sur l’un des plus chauds - ou le plus chaud ? - publics de France pour sublimer ses joueurs et leur insuffler une dynamique victorieuse. Des talents suffisants pour s’installer durablement en Betclic Élite ?
L’adieu à Benoît Gillet
Pas sûr. En premier lieu parce que le club a, fort logiquement vu ses petits moyens, subi une belle saignée à l’intersaison. Les convaincants Brandon Horvath et Terrell Gomez sont partis, tout comme le couteau suisse espagnol Javier Beiran et, surtout, Benoît Gillet, l’âme du club depuis six saisons, jugé trop juste pour les joutes de première division à 37 ans passés.
Parallèlement, le SQBB a réussi à conserver quelques joyaux. En premier lieu, bien sûr, coach Mahé, principal acteur de ces trois superbes dernières saisons. Mais aussi, tout aussi important ou presque, ses deux MVPs, Mathis Dossou-Yovo et Melvin Ajinca. À leurs côtés, repartent pour un tour les guerriers William Pfister, Loïc Schwartz et Lucas Boucaud.
Des paris, forcément des paris
Hormis Schwartz, il a donc fallu reconstituer une légion étrangère pour composer un effectif susceptible de décrocher le maintien en fin de saison. Avec ses tout petits moyens, le SQBB n’a évidemment pas pu piocher dans le haut du panier. Mais il a quand même attiré Dominik Olejniczak, le pivot polonais auteur d’une très bonne saison avec Gravelines-Dunkerque. Et réussi le beau coup de se faire prêter par rien moins que le Maccabi Tel-Aviv Will Rayman. Quant aux autres Américains, ils ne présentent aucune certitude. Julien Mahé semble miser gros sur son meneur Tyger Campbell, qui sort tout juste de NCAA. Mais c’est là le lot des « petites » équipes.
Qu’attendre de cet ensemble ? À première vue, pas grand-chose, surtout avec trois relégations en fin de saison. Puis, à la réflexion, en prenant en compte les capacités de Julien Mahé à sublimer son groupe, le talent en devenir de bon nombre de joueurs et la ferveur qui attend Pierre-Ratte, avec un record d'abonnés à la clé, on peut croire au maintien du SQBB à la conclusion de la saison. Le Portel réussit bien cette prouesse chaque année !
Les résultats des cinq dernières saisons
| Saison | Niveau | Bilan | Rang | Playoffs | Top scoreur | Budget |
| 2018-19 | NM1 | 28-8 | 4e | Champion | Ryan Rhoomes (16,1 points) | - |
| 2019-20 | Pro B | 7-16 | 17e | (arrêt saison) | Ryan Rhoomes (14,3 points) | 1,70 M€ |
| 2020-21 | Pro B | 22-12 | 3e | (annulés) | Hugo Besson (19,3 points) | 1,75 M€ |
| 2021-22 | Pro B | 22-12 | 3e | Quarts de finale | Kendall Anthony (13,3 points) | 1,86 M€ |
| 2022-23 | Pro B | 25-9 | 1e | Champion | Mathis Dossou-Yovo (16,2 points) | 2,11 M€ |
Les changements de l’intersaison
Sous contrat : Mathis Dossou-Yovo (prolongation), 2024), William Pfister (2024), Melvin Ajinca (2025), Loïc Schwartz (prolongation, 2024), Lucas Boucaud (prolongation, 2024), Julien Mahé (coach, 2024)
Arrivées : Dominik Olejniczak (Gravelines, 2024), Nate Johnson (Constanta/Roumanie, 2024), Tyger Campbell (UCLA/NCAA, 2024), M.J. Walker (Westchester/G-League, 2024), Will Rayman (Hapoel Haifa/Israel, prêté par le Maccabi Tel-Aviv)
Départs : Benoit Gillet (Denain/Pro B), Brandon Horvath (Brussels/Belgique), Terrell Gomez (Hambourg/Allemagne), Javier Beiran, Jimmy Djimrabaye
Effectif 2023-2024 : Tyger Campbell, Lucas Boucaud, Nate Johnson, Melvin Ajinca, Loïc Schwartz, M.J. Walker, Will Rayman, William Pfister, Mathis Dossou-Yovo, Dominik Olejniczak
Staff sportif
Coach : Julien Mahé (40 ans)
Assistants : Antony Montant (35 ans), Karim Remil (34 ans)
Front office
Président - directeur général : Laurent Prache (52 ans)
Salle : Palais des Sports Pierre-Ratte (3 132 places)
Les joueurs
Le cinq majeur
Tyger Campbell
C’est la principale inconnue du recrutement saint-quentinois. Rookie, le natif de Des Moines (Iowa) n’a pour le moment connu que la NCAA. Mais avec la très solide fac d’UCLA, où il a réussi à devenir le deuxième meilleur passeur de l’histoire derrière rien moins que Pooh Richardson. Perdant très peu de ballons, devenu adroit à trois-points, bon passeur, il lui faut désormais démontrer qu’il peut s’adapter au niveau professionnel. Il a un peu peiné en préparation (2,0 balles perdues par match, 25 % à trois-points) mais le talent semble indéniable. Parions que Julien Mahé saura tirer le meilleur du jeune homme…
Nate Johnson
Une autre énigme du recrutement nordiste. Après cinq saisons de NCAA sans grand relief entre Gardner-Webb et Xavier, il a démarré sa carrière professionnelle la saison passée à Costanta, en Roumanie, où il a montré de belles qualités de scoreur, une belle adresse à trois-points (40 % en saison) et une belle polyvalence – notamment au rebond – pour un joueur de sa taille. Sait tenir la balle sans déchets, capable d’évoluer sur le poste 1. S’est montré gourmand à trois-points en préparation (46 tirs de loin en six matchs, mais à un beau 43 %) et fort scoreur (14,3 points).
M.J. Walker
Point d’interrogation numéro 3 ? En tout cas, le Géorgien (d’Amérique, né à Jonesboro) n’affiche pas d’énormes références. Si l’on oublie ses deux apparitions anecdotiques en NBA avec les Phoenix Suns en 2021-22 (4,2 minutes, 0 point) et une carrière pas vraiment fracassante en NCAA à Florida State (12,2 points en 2020-21), il s’est surtout montré en G-League ces deux dernières saisons avec Wechester, sans casser la baraque et avec une adresse fluctuante au tir de loin. A aussi évolué en CEBL, la ligue estivale canadienne. Capable de jouer sur les postes 2 et 3, il s’est montré à son avantage en préparation (10,2 points, 41 % à trois-points). Une bonne pioche ?
Will Rayman
Contrairement aux précédents, lui n’est pas un inconnu en Europe. Et le New-Yorkais pourrait bien constituer l’une des très bonnes surprises de la saison. Pensez que le joueur est sous contrat avec rien moins que le Maccabi Tel-Aviv ! Qui l’a prêté au SQBB afin qu’il s’aguerrisse après de solides saisons de soutier à Tartu (Estonie), Göttingen (Allemagne), Ventspils (Lettonie) et à l’Hapoel Haïfa (Israël). Un profil de joueur de l’ombre, présent au rebond, au contre, en défense, d’une adresse parfois douteuse mais perdant peu de ballons. Dans son registre en préparation (6,2 points, 42 % à deux-points, 6,6 rebonds). N’explosera probablement pas les compteurs mais fera sans aucun doute le sale boulot.
Mathis Dossou-Yovo
Le jeune (22 ans) MVP de Pro B la saison passée a une féroce envie : prouver qu’il a sa place en Betclic Élite, lui qui n’a pas réussi à y faire son trou en 2019-20 avec Chalon, se retrouvant obligé de descendre en Pro B s’y faire les dents. Avec réussite, progressant de saison en saison, d’Évreux à Saint-Quentin en passant par Blois et, encore une fois, Chalon. Il a littéralement explosé la saison passée sous les ordres de Julien Mahé, compilant 16,2 points et 8,4 rebonds par match tout en se montrant en forte progression en défense. De quoi être appelé en équipe de France A' cet été. Un gros axe de travail : les lancers francs (57,8 % la saison passée…). International U16, U18 et U19 (27 matches en Bleuet).
Les remplaçants
Lucas Boucaud
Il a 23 ans mais c’est encore un jeune joueur à polir. Certes, lors de ces deux dernières saisons à Saint-Quentin, il a réussi à doubler son évaluation pour un temps de jeu similaire (12,2 minutes puis 14,3). Mais, s’il score et passe plus, il reste très perfectible aux lancers francs (70,7 % l’an passé) et surtout à trois-points : 19,5 %... Grosse activité, bon défenseur.
Melvin Ajinca
Très gros espoir du basket français, le cousin du NBAer Alexis Ajinca présente un profil très différent de son pivot de la famille. Grand poste 2-3 (2,03 m), il se distingue surtout par son agressivité offensive et son adresse de loin (39,4 % à trois-points la saison dernière). Ajoutant à cela une belle dimension athlétique et de fortes dispositions défensives, il est parfaitement entré dans le moule saint-quentinois, au point d’être élu meilleur jeune de Pro B. Lui reste à démontrer qu’il peut passer le cap de l’élite. On ne se fait pas trop de soucis pour lui.
Loïc Schwartz
L’un des vétérans de l’équipe, avec William Pfister et Dominik Olejniczak. Il n’est pas là pour réaliser des highlights ou pour enfourner les paniers à la chaîne, mais plutôt pour huiler le collectif, défendre très fort, se jeter sur les ballons qui traînent, mettre les coups qui vont bien. Bref, un joueur de l’ombre, précieux et capable de sanctionner à trois-points. International belge, dans le même rôle de l’ombre.
William Pfister
Encore un que l’on ne qualifiera pas de poète. Pas là pour les falbalas, le Strasbourgeois de naissance fera en revanche tout ce qu’il est possible de faire, et même plus, pour faire gagner son équipe. Si un ballon traîne, il sera le premier dessus. S’il y a des brins à mettre, il répondra présent, plutôt deux fois qu’une. Le connaisseur public de Saint-Quentin l’adule, ce n’est pas pour rien. Timide en attaque, il s’est quelque peu libéré la saison passée, avec bonheur : 63,4 % à deux-points. Passé par la NCAA entre 2015 et 2018, entre Northwest Florida State College et Florida Atlantic.
Dominik Olejniczak
Lui aussi ne fait pas dans la dentelle. À Gravelines-Dunkerque, il a montré pendant deux saisons ses énormes qualités d’abnégation, de défense, de motivation. Adoré du public gravelinois, il devrait en être de même à Saint-Quentin. Comme William Pfister, il est toujours à 200 %, se montrant implacable de près (62,2 % à deux-points) et dans la distribution de pains. International de bout de banc avec la Pologne, 4e du dernier EuroBasket. Ne tire à trois-points que sous la torture. Et encore…
Le coach
Julien Mahé
En résumé : coach de l’année de Pro B en 2021 et 2023. Voilà qui classe son technicien. D’autant que ces deux trophées, il les a glanés avec une équipe au budget très limité, faisant le pari de jeunes joueurs comme Hugo Besson et Mathis Dossou-Yovo, MVP de la saison dernière. Comme quoi le coach de 40 ans sait faire progresser les minots, mais aussi créer un collectif haut de gamme, inspirer des principes défensifs et de lutte permanente. Grâce à lui, le manque de joueurs huppés pour la Pro B se révèle une excellente façon de prouver que l’efficacité collective surmonte n’importe quel talent individuel. Cette saison, il voudra démontrer, et le démontrera, on est prêt à le parier, que ce fêlé de coaching (20 saisons à son actif à 40 ans…) a le niveau de l’élite, lui qui avait connu une expérience amère à Gravelines-Dunkerque en 2018-19. Et l’on a beau réfléchir, on ne voit pas ce qui pourrait l’empêcher de prouver ses compétences à ce niveau.
Photo : Melvin Ajinça © Léo Morillon/LNB
