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Ligue européenne fermée: Comment le foot éclaire le basket… et l’inverse

Hier mercredi 8 mai, étaient rassemblés près de 240 clubs professionnels de football à Madrid en Espagne, vent debout contre le nouveau projet de Champions League voulus par les plus gros clubs du Continent. Une thématique et des enjeux qui agitent le basket depuis maintenant des années.

Hier mercredi 8 mai, étaient rassemblés près de 240 clubs professionnels de football à Madrid en Espagne, vent debout contre le nouveau projet de Champions League voulus par les plus gros clubs du Continent. Une thématique et des enjeux qui agitent le basket depuis maintenant des années.

« Le monde de fonctionnement d’ECA (European Club Association), c’est n’importe quoi. Ils ne tiennent absolument pas compte de l’avis des clubs. Tout est décidé à quelques-uns », affirme dans L’Equipe du mercredi 8 mai Olivier Létang, le président rennais. « Je ne peux pas accepter un système dans lequel une toute petite minorité prend le pas sur une écrasante majorité. Ça s’appelle une dictature », rajoute Bernard Caïazzo, président de la direction de l’ASSE et du syndicat des clubs de l’élite. « La majorité silencieuse a cessé de l’être. C’est la survie de nos clubs dont il s’agit. »

Que se passe-t-il ? Les plus gros clubs de foot veulent que la Champions League qui ne s’est jamais portée aussi bien que lors des demi-finales de l’édition 2019, deviennent une ligue pratiquement fermée. Il suffit de changer les noms des protagonistes – et encore, on retrouve deux « ECA » (European Commercial, Assets est l’entreprise de droit privé qui gère l’Euroleague) à chaque fois dans le même rôle, et ce n’est plus de football européen dont on parle mais de basket. Mêmes enjeux, même problèmes. Sauf que pour une fois, le basket a – malheureusement ? – quinze ans d’avance sur le foot.

Une ligue presque fermée existe déjà au plus haut sommet européen. 11 clubs disposent d’une licence A accordée pour 10 ans. Pour autant les revenus économiques ne sont pas automatiques avec ce modèle. Certes, le concept fonctionne pour la NBA, dans des conditions, un écosystème et une économie si différente que la comparaison n’a aucun sens. En Euroleague, les clubs cumulent à chaque exercice des dettes abyssales (200 millions pour l’ensemble des clubs pour la saison 2016-17, 30 millions sur un budget de 46 pour le Real Madrid champion en 2018). Et les problèmes que soulèvent l’écrasante majorité des clubs de foot professionnels sont exactement les mêmes à l’échelle du basket. Si les compétitions nationales ne qualifient plus pour l’échelon européen, c’est tout le modèle du sport européen qui vacille. Les ligues nationales sont fragilisées. La peur s’installe de voir des matches européens se jouer le week-end et donc une guerre ouverte se déclarer sur le front des droits télés. La perspective pour les gros clubs d’aligner des équipes B ou C en championnat national. L’enrichissement de quelques riches déjà très riches au détriment d’un appauvrissement de tous les autres.

La différence entre le foot et le basket, c’est que le foot connait cette bataille alors que le gâteau à se partager n’a jamais été aussi gros. La discipline a pu bénéficier du modèle pyramidal du sport européen (montées et descentes, inclusion, transparence des processus basés sur le mérite sportif) pour développer une fantastique croissance organique. Aujourd’hui, le défi, c’est que les gros veulent se couper des autres. En basket, ce mouvement a été initié avant que la croissance organique n’ait eu lieu et on voit bien que fermer l’élite n’a pas participé à faire grossir les revenus. Et pèsent toujours les dangers sur le reste du système : ligues nationales et équipes nationales sont effectivement en danger.

L’autre différence, c’est que les clubs de foot et les ligues nationales européennes sont en train de se mobiliser fortement pour résister à ce projet. Est-ce que les acteurs du monde du basket, qui ont raté le coche il y a quelques années, sont prêt à faire de même ? « C’est le moment de vérité pour les ligues nationales en Europe », prévient d’ailleurs le 9 mai Andreas Zagklis lors d’une table ronde avec des médias en Australie pour l’événement SportAccord. « Soit elles deviennent plus fortes et maintiennent leur rang, et pourquoi pas même grandissent parce qu’elles estiment que c’est normal, qu’elles représentent la grande majorité des clubs. Ou alors elles vont devenir ce qu’ECA souhaite qu’elles deviennent, une sorte de troisième division en Europe. »

Les clubs du foot ont montré cette semaine qu’ils étaient capables de se mobiliser. Le monde du basket saura-t-il le faire ? Mieux vaut tard que jamais.

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