Aller au contenu

Joel Embiid et les Bleus : 10 questions brûlantes

Le pivot des Sixers, Camerounais, Français et Américain, annoncera à la fin de la saison s’il décide de rejoindre une sélection nationale pour cet été et la Coupe du Monde FIBA. En attendant, on fait le point sur les sujets qui nous brûlent les lèvres.

Le pivot des Sixers, Camerounais, Français et Américain, annoncera à la fin de la saison s’il décide de rejoindre une sélection nationale pour cet été et la Coupe du Monde FIBA. En attendant, on fait le point sur les sujets qui nous brûlent les lèvres.

Est-ce que c’est moral ?

Tout de suite les grands mots. On parle ici de compétition sportive internationale donc laissons la morale en dehors du débat. Est-ce que c’est légitime ou acceptable ? Dans un monde idéal, Joel Embiid et Pascal Siakam auraient rejoint la sélection du Cameroun au cours des étés précédents pour les fenêtres de qualification à la Coupe du Monde et, comme Luka, Giannis, Jokic, Gobert, Lauri Markkanen et tant d’autres l’ont fait, sa participation aurait permis à coup sûr à son équipe de sortir des qualifications du continent pour la World Cup.

Et le basket africain en serait sorti grandi. Embiid aurait pu jouer des matches à enjeux sur le territoire Camerounais, l’engouement aurait été énorme. Un vrai coup de développement pour le basket sur le continent mais aussi au niveau mondial. Un parcours du Cameroun à la Coupe du Monde 2023 similaire à celui du Maroc à la Coupe du Monde de foot 2022 aurait été fabuleux. Le monde dans lequel nous vivons est ce qu’il est, c’est-à-dire pas idéal, pour tout un tas de raisons.

La FIBA devrait-elle interdire les naturalisés ? Rappelons que le règlement de la fédération internationale est déjà très stricte avec seulement un naturalisé par équipe. En comparaison avec le handball par exemple – le Qatar vice-champion du monde en 2015 avec une équipe composée aux trois-quarts de naturalisés – le basket s’en sort très bien. Avec 212 pays membres de la fédération internationale et autant de lois différentes sur l’attribution des passeports, l’équilibre n’est pas facile à trouver mais au final, seuls les pays restent souverains sur l’attribution d’une nationalité. Si le débat se pose aujourd’hui pour Embiid, c’est que la France l’a reconnu comme un des siens.

Va-t-il choisir la France ?

Impossible à ce stade d’affirmer quoi que ce soit. Embiid possède désormais trois passeports. Cameroun, France, Etats-Unis. Mais dans sa dernière interview publiée sur le sujet dans L’Equipe, clairement, on sent que sa décision penche du côté de la France. Et la dernière fois que Boris Diaw a été interrogé, il semblait aussi confiant que, si Embiid rejoint un jour une sélection, ce soient les Bleus.

2023 ou 2024 ?

Dans la culture du basket américain, qui est celle d’Embiid, les Jeux Olympiques représentent le sommet du basket international. Mais le nouveau format de la Coupe du Monde à 32 équipes a été une réussite formidable en Chine en 2019. De plus, après l’EuroBasket 2022 qui a présenté un plateau de superstar inédit, les plus grandes stars du basket mondial prouvent un grand attachement à leur sélection. La France devrait présenter une équipe très compétitive, Luka Doncic a annoncé sa participation, la porte est ouverte pour Giannis, Jokic, Sabonis, Porzingis. Chacun est conscient que la phase finale aux Philippines, dans un pays fou du basket et une Arena de plus de 50 000 spectateurs va constituer une expérience unique.

Et si le Team USA ne vient pas avec une Dream Team version 2023, l’opportunité de gagner un titre mondial est réel pour une poignée d’équipes, dont les Bleus.

Enfin, Vincent Collet a déjà annoncé qu’il considérait que 2023 et 2024 constituait un même bloc. Et donc, la porte de Paris passe peut-être par Manille, même pour un joueur du calibre de Embiid.

Vincent Collet a-t-il le choix ?

Maintenant que le pivot des Sixers est officiellement Français, soyons clair. Collet est obligé de le sélectionner. Au-delà du débat « moral » abordé en première question, il ne peut pas ne pas sélectionner Embiid. Quels seraient les arguments d’un tel choix ? Il va déstabiliser l’équipe ? La victoire serait plus belle sans lui si le groupe en place depuis 2019 parvenait enfin à l’emporter après trois finales perdues ?

Une seule réponse suffit à ces questions. Imaginons un instant que Collet se passe d’Embiid, partant du principe que sa raquette classique, renforcée par Victor Wembanyama suffise. Soit. Puis Gobert se blesse. Puis Wemby. Et le débat est alors tout autre. Non, si Embiid veut rejoindre les Bleus, Collet n’a pas le choix. Et mieux, on l’imagine ravi.

Donc plus de Terry Tarpey ?

Embiid est donc désormais dans le roster. Cela veut donc dire que Terry Tarpey ne peut plus faire partie de l’équipe ? Pas du tout. Le héros des fenêtres de qualification et la révélation pour la France à l’Euro 2022 – dernier joueur à monter à bord puis intégration du cinq majeur en cours de compétition – n’est pas naturalisé, contrairement à ce qui avait pu être dit lors de son arrivée en Bleu. L’ailier du Mans dispose d’un passeport français depuis son plus jeune âge, précaution prise à l’époque par ses parents. Les derniers naturalisés à avoir joué pour les Bleus sont donc Alain Koffi (2017, 2009 et 2004), Joakim Noah (2011) et Tariq Kirksay (2007).

Pourquoi Evan Fournier a changé d’avis ?

« T’es pas Français, t’es pas là. Bien sûr qu’il nous ferait du bien en équipe de France. Mais ce n’est pas le débat », avait déclaré de façon assez lapidaire Evan Fournier à l’été 2018 quand la question avait commencé à faire surface. « Il sera le bienvenu », a dit le même Fournier en janvier 2023. « On l’accueillera à bras ouverts. On sera très compétitifs avec l’ajout d’un nouveau big man. Quelque chose de spécial est en train de se construire. »

Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis ? Après la réaction épidermique – Fournier est connu pour son franc parler et aussi son attachement indéfectible au maillot Bleu – faut-il voir dans cette évolution un signe que l’idée devient de plus en plus concrète. Et qu’au sein des Bleus, des discussions sérieuses à ce sujet ont eu lieu ?

Que va-t-il apporter ?

Joel Embiid est en train de signer une saison de MVP NBA. Il évolue à un niveau similaire à Luka, Jokic, Giannis. Et on a pu voir ces dernières années quel impact des joueurs d’un tel talent ont sur une sélection nationale.

La France reste sur trois finales lors des trois dernières compétitions internationales majeurs. Autant la prestation des Bleus en 2021 à Tokyo avait été dominatrice, autant le parcours à l’Euro tient du miracle. Alors certes, Batum et De Colo devraient faire leur retour en 2023, mais avec deux ans de plus qu’à Tokyo, ce qui n’est pas un détail vu l’âge des capitaines. La France a montré en 2022 un gros déficit au niveau offensif. Création, talent pur, intelligence de jeu. La défense et la vaillance ont renversé des montagnes et les Bleus possèdent un réservoir de joueurs opérationnels très profond. Mais en termes de star power, elle est désormais loin de posséder une arme absolue de nombreuses autres nations.

Le meilleur attaquant des Bleus – Evan Fournier – est aujourd’hui un joueur sorti de la rotation de sa franchise NBA. Si l’Espagne a prouvé qu’il est possible de gagner avec une bande de soldats, ce sera sans doute l’exception qui confirme la règle : pour gagner, il faut des superstars.

Victor Wembanyama a le profil pour devenir un joueur de ce calibre, mais il n’a encore que 19 ans. Avec Joel Embiid, les Bleus récupérerait un des meilleurs attaquants du monde, un pivot au répertoire technique impressionnant. Un point de fixation au poste bas sans équivalent dans le monde. De quoi régler une bonne partie des problèmes de la France.

Dessin paru dans Jeune Afrique

Est-ce qu’il peut perturber le collectif ?

Oui. S’il venait, beaucoup questions se posent alors. Comment s’intégrerait-il dans le fonctionnement du groupe France où la discipline est forte, où les règles de vie sont acceptées par les joueurs ayant connus les équipes de jeunes ? Ce mode de vie contraignant est-il compatible avec une superstar NBA qui n’a pas partagé cette culture dès le plus jeune âge ? D’autant plus que le bonhomme affiche une personnalité exubérante ?

Sur le terrain, l’adaptation au jeu FIBA présente toujours un challenge. Les défenses sont plus denses, les ajustements de règles, l’importance de chaque possession, les matches couperets. L’identité de l’équipe de France s’est toujours construite en défense. Embiid peut-il se mettre au service du collectif ? Plus globalement, est-il prêt à partager, à ne pas scorer nécessairement 30 points par match.

Embiid en 4, Gobert en 5 et Wemby en 3 ?

Le fantasme absolu. Un frontcourt terrifiant. Vincent Collet lui-même l’a évoqué lors du dernier rassemblement des Bleus, avec un sourire certes mais… Gobert et Embiid sont très complémentaires car le Sixer dispose d’un tir à trois-points très fiable. Wemby peut jouer n’importe où. Ces trois-là offrent de multiples options à l’intérieur. Mais est-il envisageable de les aligner en même temps ? Sur la dernière fenêtre de qualification à la Coupe du Monde, Collet a fait jouer Wemby au poste 3 contre la Bosnie pendant deux minutes aux côtés d’Alexandre Chassang et Yoan Makoundou.

L’équipe manquerait certainement un peu de mobilité et peut être aussi un peu d’adresse – quoi que – mais présenterait une taille et une densité physique inégalée dans l’histoire du basket mondial.

Avec lui, les Bleus sont-ils évidemment favoris ?

Oui. Il faut voir le reste du roster présenté par les Bleus mais sauf catastrophe, avec Embiid, la France serait favorite en 2023 et sans doute même en 2024. Reste alors la question de son intégration, évidemment, mais impossible alors de se cacher. Fournier et Gobert affirment depuis des années ne plus viser que l’or, quelle que soit la compétition. Avec Embiid, impossible d’annoncer autre chose.

[adsence2]

Photo : NBA

Commentaires

Fil d'actualité