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La Hoops Factory ou comment jouer au basket entre potes

Ancien manager chez Teamstadia après avoir œuvré à la Ligue Nationale de Basket, Gilles Bravo a lancé avec des associés, la Hoops Factory d’Aubervilliers, tout prêt de la Porte de la Villette, à Paris. Un investissement de plus de 1,5 million d’euros pour un centre de 2 500m2 dédiés exclusivement au

Ancien manager chez Teamstadia après avoir œuvré à la Ligue Nationale de Basket, Gilles Bravo a lancé avec des associés, la Hoops Factory d’Aubervilliers, tout prêt de la Porte de la Villette, à Paris. Un investissement de plus de 1,5 million d’euros pour un centre de 2 500m2 dédiés exclusivement au basket avec 6 terrains (4 terrains 5×5 et 2 terrains 3×3) accessibles 7 jours sur 7 de 10h à minuit pour un prix horaire de 5 à 8 euros par joueur. La salle est d’orientation NBA avec notamment un parquet fabriqué dans le Wisconsin qui est le même que celui des Golden State Warriors.

Un peu plus tard, d’autres Hoops Factory s’ouvraient à Evry puis à Toulouse, en attendant une quatrième à l’automne à Lille.

Votre métier initial était d’accompagner les porteurs de projet de stades et de salles multi-fonctionnels ?

J’ai toujours travaillé dans le sport. J’ai commencé à la Ligue Nationale de Basket. Une fois diplômé du Stadium Manager du CDES (Centre de Droit et d’Economie du Sport de Limoges), je me suis très vite spécialisé sur les infrastructures sportives et notamment quelques projets d’arénas, comme Dunkerque, Orléans, Bordeaux, puis sur des stades de rugby, comme à La Rochelle ou feu le Grand Stade de la FFR. Malheureusement, au basket, il n’y avait pas assez de projets pour en faire un métier à plein temps.

Et dans tous ces projets, une majorité n’a pas abouti. Nous avons en France un retard en équipements qui est colossal vis-à-vis des autres pays. Quel est votre regard sur ce phénomène ?

C’est une grosse frustration. J’ai eu l’occasion de faire le tour d’une cinquantaine d’équipements en Europe et aux Etats-Unis et la France est un peu le parent pauvre à ce niveau. J’ai travaillé il y a plus de 10 ans sur l’amélioration des conditions d’accueil des clubs de Pro A à l’occasion du Livre Blanc qui avait été initié par René Le Goff (NDLR : président de la LNB de 2003 à 2010) et on peut constater qu’il n’y a pas grand-chose hélas qui a bougé depuis 2005 au niveau des salles de Pro A. Même si quelques projets isolés sont sortis de terre, le décor général n’a pas vraiment évolué. Entre le moment où j’ai commencé à suivre la Pro A avec les retransmissions sur France 3 et aujourd’hui, il y a des salles qui sont restées les mêmes telles que le Palais des Sports de Dijon ou celui de Pau qui a juste subi un petit lifting ces dernières années.

J’ai essayé d’apporter ma contribution à un moment donné mais c’est très compliqué. Pour moi, il y a un constat d’échec. Il y a des projets qui sont trop subordonnés aux pouvoirs publics, aux politiques, si l’on excepte celui de Tony Parker à l’ASVEL. Par exemple, à Dunkerque, ça n’a pas été au bout en raison d’un changement de municipalité. Historiquement, c’est souvent le politique qui vient interférer dans le développement du basket français, exemple le Décret Lamour. Dans les projets actuels, il y a toujours une zone d’ombre avec une probabilité que ça ne se fasse pas. Aujourd’hui, il faut s’affranchir de ça. Dans le projet de la Hoops Factory, il n’y a pas un euro d’argent public, aussi si ça ne se fait pas on ne peut s’en prendre qu’à nous-mêmes. [arm_restrict_content plan= »registered, » type= »show »]

Il faut absolument trouver dans le basket français des investisseurs, notamment des opérateurs de salles de spectacle, qui se positionnent sur l’émergence de salles de grande capacité. Il faut faire en sorte que l’on injecte un minimum de subventions car ça fragilise les chances de réussite du projet. Aujourd’hui, on n’en est pas encore là. Ce que l’on nous annonce, que ce soit le petit Bercy ou d’autres salles en province, n’est – à mes yeux – pas assez ambitieux. Quand on voit qu’il n’y a pas de salles de plus de 10 000 places en France à l’exception de l’AccorHotels Arena, ça fait un peu désordre… En Espagne, toutes les salles sont pleines. Je ne vois pas pourquoi on n’arriverait pas à remplir des salles en France. Toute proportion gardée, je pense avoir démontré avec Hoops Factory qu’il n’y a pas de fatalité pour doter la France d’infrastructures de qualité. Pour la Pro A, c’est pareil, les clubs ne sont pas condamnés à jouer dans des salles de 4 000 places. On retombe sur un problème originel : des clubs qui aujourd’hui sont dans un certain confort avec des salles de 4-5 000 places et qui n’ont pas forcément envie de voir des nouveaux venus avec des moyens plus importants. Ce que je constate quand on regarde un peu chez nos voisins, c’est qu’ils sont en train de réussir leur transformation. Le H à Nantes joue dans le Hall XXL (10 000 places) et il a réussi à la remplir plusieurs fois ces dernières saisons. Pourquoi un club de basket n’arriverait-il pas à en faire autant ? On ne peut pas accepter l’idée qu’on n’en soit pas capable. Le Basket Français dispose des talents pour y arriver. Il faut qu’à un moment donné qu’on tire collectivement les conséquences de la situation actuelle. Nos voisins européens sont plus forts et mieux structurés que nous aujourd’hui mais on peut y arriver. Je trouve que sur le niveau d’ambition, on est toujours un peu petits bras, or pour que la Pro A retrouve son lustre d’antan, il faudrait être davantage ambitieux. Je n’ai pas beaucoup de projets sous le coude à donner en exemple sinon celui de Villeurbanne et du Tremblay que je suis de prêt également.

Le paradoxe en France, c’est que l’on a vu émerger des arénas dans de toutes petites villes comme le Palio à Boulazac (7 000 habitants) et la Pévèle Arena à Orchies (8 400 habitants), alors que Paris, qui concentre une bonne partie des richesses en France, est sur le projet d’un Bercy II limité à 6-7 000 places. On a l’impression que les promoteurs de ce projet ont une méconnaissance totale de ce qui se passe à l’étranger ? C’est ridicule de vouloir construire une salle de cette capacité ?

Il y a un déficit de lobbying. J’ai eu l’occasion de travailler sur les prémices de la candidature de la France à l’Euro 2016 de football. Toute la machine institutionnelle, politique, ainsi que le secteur privé, s’est rassemblée pour booster la candidature. Dans le basket, on n’a pas ça pour le moment. Je voudrais savoir si quelqu’un parle régulièrement à la mairie de Paris à propos de Bercy. Quel club on va mettre dedans ? J’ai eu l’occasion de réaliser une note de synthèse sur la rénovation du POPB pour l’adjoint aux sports de Bertrand Delanoë. On m’avait dit, « Bercy, c’est très bien, c’est la plus grande salle de France ». Ils ont accepté finalement de faire un voyage d’études à Londres pour voir l’O2 Arena et c’est là qu’ils s’étaient rendus compte que Bercy était devenu totalement obsolète. Il n’y avait pas vraiment de loges, on ne pouvait pas faire un match de basket ou de hockey et le lendemain un concert. La rénovation de Bercy, c’est mieux que rien mais on ne peut pas dire non plus que c’est une totale réussite. Ils ont fait au mieux avec les contraintes existantes et le budget alloué. C’est une salle qui ne peut pas générer les revenus d’un match NBA. Alors que des arénas aux standards NBA, il y en a une demi-douzaine en Allemagne, deux en Angleterre, plusieurs en Espagne. Certains se demandent pourquoi il n’y a plus de matches NBA depuis des années en France, voilà la réponse. On n’a pas non plus le Final Four de l’Euroleague depuis longtemps (NDLR : depuis 2010). Mais on est content d’avoir la Coupe de France, le All-Star Game, mais pour passer à l’étage supérieur, il ne faut pas se contenter de ces événements récurrents qui attirent seulement les initiés.

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de créer la Hoops Factory ?

Je travaille sur la Hoops Factory depuis sept ans. Dans un premier temps avec le responsable basket de chez Nike, Philippe Morin, jusqu’en 2012. J’ai ensuite travaillé avec d’autres personnes sur le projet et là non plus, ça n’a pas abouti. Le vrai déclic, c’est la victoire des Bleus à l’EuroBasket 2013. A ce moment-là, les banquiers ont commencé à connaître d’autres joueurs que Tony Parker en Equipe de France et le basket est devenu un peu plus bankable. Il y a trois raisons qui m’ont amené à ce projet. Un, la pénurie d’équipements en Ile-de-France. J’ai eu l’occasion de travailler avec un équipementier sur la tournée européenne de Le Bron James en 2009. On a cherché un gymnase avec du parquet et du plexis pendant un mois. C’était vraiment très compliqué. Deuxièmement, j’ai la chance d’avoir parmi mes amis d’enfance le fondateur du Five (football à cinq), qui exploite aujourd’hui quarante centres en France, et forcément ça donne des idées. Il m’a dit que le football commençait à être mature et qu’il fallait encore attendre un peu pour que le basket le soit. La troisième raison, c’est cette frustration de ne pas avoir pu sortir un projet d’aréna pour permettre à des clubs de pouvoir disputer des matches de Coupes d’Europe que l’on ne peut voir aujourd’hui qu’à l’étranger. Si aujourd’hui je veux voir une grosse ambiance, je suis obligé de prendre l’avion. Enfin, toujours au niveau frustration, j’ai été dirigeant d’un club amateur et qu’au fil des années, je me suis fait sortir des gymnases parisiens et franciliens au profit d’autres sports comme le badminton par exemple. Il y avait un créneau à prendre. Des joueurs comme moi qui n’arrivent plus à jouer, il y en a des milliers sur Paris. Les premiers clients de la Hoops Factory, c’était mes potes !

Au départ, vous aviez l’idée d’ouvrir la Hoops Factory d’Aubervilliers ou vous aviez déjà les sites d’Evry et de Toulouse dans les tuyaux ?

Dans les faits, on a mis tellement de temps à sortir le projet à Aubervilliers qu’on a eu le temps de travailler sur d’autres dossiers en parallèle. On a eu une bonne opportunité foncière à Toulouse et comme le centre d’Aubervilliers a décollé rapidement, on s’est lancé. Ça donne l’impression d’aller vite au niveau du développement mais vu que ça fait sept ans que l’on travaille sur ce dossier, pour moi ça va très lentement. C’est un projet que l’on mature depuis des années. Je ne dis pas que l’on roule sur l’or à l’heure actuelle, il y a encore beaucoup de travail à faire. Le modèle nécessite beaucoup d’énergie pour être rentable. Par contre au niveau de l’image, j’ai l’impression qu’on a frappé un gros coup car tout le monde s’aperçoit que la Hoops Factory c’était un manque dans le paysage du basket.

Le fait d’avoir Rudy Gobert et Evan Fournier vous a boosté au niveau de la notoriété ?

Tout à fait. On a la chance d’avoir en la personne de Rudy le basketteur qui a signé le plus gros contrat de l’histoire du sport français et Evan, qui est vraiment à nos côtés au quotidien. Toute cette semaine on organise la Evan Fournier Academy et il va être présent les cinq jours. Il est impliqué sur le programme sportif. C’est sûr que c’est « priceless » (inestimable) d’avoir des ambassadeurs comme ça. Ils apportent beaucoup de notoriété mais ils se reconnaissent aussi dans la Hoops Facory. Ils auraient rêvé d’avoir ce genre d’endroit quand ils étaient plus jeunes. Quand on a présenté le projet, les deux ont vraiment réagi en quarante-huit heures et aujourd’hui ils accompagnent le développement de très près.

Combien de personnes fréquentent la Hoops Factory ?

A Toulouse on n’a pas encore une année complète d’existence mais pour Paris, ça fait plus de 100 000 personnes. En gros, c’est 2 000 par semaine pour 50 semaines.

Combien de salariés sont employés pour les centres ?

Cinq personnes par centre. En novembre, on va ouvrir un nouveau centre à Lille.

Quels sont les NBAers qui sont passés à la Hoops Factory ?

Le fait d’avoir organisé tous ces différents événements me rend très fier. Il y a eu Robert Horry, Bruce Bowen et Ray Allen. Au niveau français, il y a nos deux investisseurs, Evan et Rudy, et aussi Kevin Seraphin, Nicolas Batum, Ronny Turiaf, Damien Inglis. Dernièrement, Marc Gasol est venu visiter la Hoops Factory de Toulouse, il n’est pas venu dans cette ville par hasard, on avait rendez-vous pour voir les installations. On a touché un vrai besoin et même en Espagne ils n’ont pas des infrastructures de cette qualité pour les jeunes et les amateurs. Encore une fois, on ne s’adresse pas qu’aux professionnels mais aussi et surtout aux joueurs lambdas.

Vous avez également reçu la Ministre des Sports, Laura Flessel, et puis aussi la Ligue Nationale de Basket et Amazon pour une soirée à l’occasion de l’annonce de leur partenariat ?

Le week-end dernier, on a reçu Boris Bowen à l’occasion d’un tournoi destiné aux 14-18 ans qui a été un plein succès car le niveau de jeu vraiment était très impressionnant. On a enchaîné sur la soirée anniversaire du magazine Les Sportives, un événement dédié à la promotion du basket féminin, en présence de Mme la Ministre qui ne connaissait pas du tout le concept. Et donc mercredi dernier la soirée d’annonce du partenariat entre Amazon et la LNB. La LNB a commencé à s’ouvrir sur d’autres domaines que son core business qui est d’organiser les championnats. Le fait qu’elle organise un tel évènement dans un contexte comme Hoops Factory, ce n’est pas anodin. Il y a une volonté d’ouverture, d’aller chercher des gens qui ne sont pas à la base des afficionados de la Pro A et qui ainsi pourraient être conquis à terme.

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